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27 février 2011

Écosocialisme, de Michael Löwy

 Commentaire de lecture (*)

 


 

Écosocialisme :

L'alternative radicale à la catastrophe écologique capitaliste



L'auteur : Michael Löwy. Membre du NPA, il a co-écrit Che Guevara, une braise qui brûle encore avec Olivier Besancenot.

Le titre : Écosocialisme : l'alternative radicale à la catastrophe écologique capitaliste. Un des livres politiques qui m'a le plus inspiré récemment : le bilan écologique est sans concession, mais pour une fois, il est accompagné d'une lueur d'espoir, d'une voie d'avenir. Le socialisme est y est bien présent, il n'est pas mort et enterré, malgré l'expérience soviétique. Et ça remonte le moral !

Parution : Éditions mille et une nuits - Les petits libres n° 77 - 5 € - À ce prix-là, n'hésitez pas, et quand vous aurez fini, faites le passer à vos potes et à vos… mais qu'est-ce que c'est le féminin de potes ?

Préface : Avant le déluge l'écosocialisme, l'enjeu politique actuel

L'écosocialisme est un courant politique fondé sur une constatation : la sauvegarde des équilibres écologiques de la planète (condition sine qua non à la survie des espèces, dont la nôtre) est incompatible avec la logique expansive et destructrice du capitalisme. Alors que nous ne pouvons plus douter du réchauffement climatique, et que le risque d'emballement se précise, le capitalisme et sa classe dominante font obstacle à tout changement, obsédés par le profit et la croissance.

Après avoir rappelé que la prémisse de l'écosocialisme : tout socialisme non écologique est une impasse et symétriquement une écologie non socialiste est incapable de prendre en compte les enjeux actuels, ML fait un bref rappel de l'histoire du l'écosocialisme. Puis il montre les convergences (très grandes aussi bien sur le diagnostic que sur les solutions) et les divergences (principalement sur la priorité à donner aux initiatives individuelles et le changement de l'appareil productif capitaliste) entre écosocialisme et décroissance.

Première partie : Socialisme écologique

Chapitre 1 : Qu'est-ce que l'écosocialisme ?

ML part du constat maintenant bien documenté sur l'état de notre planète : réchauffement climatique, désertification, destruction des forêts tropicales, accumulation de déchets, pollution de l'eau, de l'air, de l'alimentation, montée des eaux, etc. Le capitalisme est sur le point de rendre la planète inhabitable.

Les marxistes et l'écologie

Au-delà des objectifs communs entre marxisme et écologie (refus du règne de l'argent et de la quantification, de la production comme but en soi…) et de la prééminence des valeurs qualitatives, ML pense que le marxisme doit se remettre en cause et se renouveler en intégrant la question écologique. La rupture avec la notion de progrès linéaire et de productivisme doit être radicale et après la contradiction du capitalisme (telle que définie par Marx) entre forces de production et rapports de production, une seconde contradiction doit être mise en avant entre forces de production et conditions de production : Marx n'a pas assez mesuré le fait que le capitalisme détruit ses conditions de production.

Les impasses de l'écologisme

À l'actif de l'écologie, elle a mis en évidence les ravages que subit notre environnement. Mais les mouvements écologiques politiques européens nient le lien entre productivisme et capitalisme, et mettent sur le même plan capitalisme et prétendu-socialisme (soviétique). Cette écologie est vouée à l'échec et à la récupération, comme on l'a vu avec les différents partis verts européens entrés dans des gouvernements de centre-gauche (cf. en France les liens entre le PS et EELV). Les courants fondamentalistes ("deep ecology") peuvent, eux, mener à un refus de l'humanisme (en mettant toutes les espèces sur le même plan).

L'écosocialisme

Peut être défini comme le marxisme débarrassé de ses scories productivistes. La sauvergarde de l'environnement est incompatible aussi bien avec la logique du marché et du profit qu'avec l'autoritarisme bureaucratique. Tout en constatant que globalement les mouvements ouvriers actuels sont largement réfractaires aux thèses anti-productivistes, les écosocialistes considèrent que le changement de société ne peut se faire qu'avec les travailleurs.

L'écosocialisme subordonne la valeur d'échange à la valeur d'usage, avec pour conséquence l'organisation de la production en fonction des besoins sociaux et environnementaux, et donc la propriété collective des moyens de production et une planification démocratique.

Le système capitaliste est profondément inégalitaire (puisque le mode de vie occidental ne peut pas être étendu au reste du monde) et il met en danger la survie de l'humanité. Son obsession du profit à court terme est incompatible avec la rationalité écologique.

L'écosocialisme implique donc un changement de civilisation. Il peut prendre différentes formes, mais le Socialisme vert me parait beaucoup plus attractif que le Communisme solaire, et tout en comprenant que le choix de l'énergie n'est pas neutre (voir Le choix du feu d'Alain Gras), je ne crois pas que le choix sociétal puisse se résumer à un choix énergétique. En tout état de cause, cette nouvelle civilisation tiendrait compte des besoins réels de la population, la production et la consommation seraient planifiées démocratiquement au niveau local, national et international. C'est d'une part, une alliance entre les travailleurs et les écologistes, et d'autre part l'affirmation de la solidarité du Nord avec le Sud.

Développement des forces productives ou subversion des forces de production

Contrairement à ce que pensent certains marxistes, l'appareil productif n'est pas neutre, il est au service de l'accumulation de capital. Il ne suffit donc pas de supprimer les rapports de production capitalistes. L'appareil productif doit être transformé et il faut accepter que certaines parties soient supprimées (pêche industrielle, centrales nucléaires…)

Comment se déroulera cette transition vers le socialisme ? ML distingue trois écoles :

  • béatement optimiste (je dirais scientiste) : avec le "progrès" les besoins de chacun pourrait être satisfaits
  • pessimiste (autocratique), il faudrait faire baisser dramatiquement le niveau de vie et la population, ce qui ne pourrait se faire avec l'assentiment de la population
  • qualitative (humaniste) privilégiée par ML, elle met en avant le caractère qualitatif plutôt que quantitatif du développement, avec la satisfaction des besoins authentiques. Et j'aime beaucoup la définition qu'il en donne : un besoin authentique est un besoin qui persiste après la suppression de la publicité (en filigrane, on lit une définition de la publicité : "qui crée des besoins non authentiques").


Convergences dans le combat

La question qui se pose ici est de savoir si nous devons limiter nos luttes au combat contre le capitalisme ou si des réformes immédiates ont leur utilité. ML opte définitivement pour la deuxième hypothèse. L'état de la planète est si catastrophique que toutes les mesures qui limitent sa dégradation sont bonnes à prendre, mais les limites sont évidentes et la récupération par le capitalisme est patente (droit à polluer, droit d'émission…). Et il y a convergence entre les mouvements sociaux et environnementaux : lutte contre le système de la dette, politiques ultra-libérales et relocalisation, cultures vivrières, protection de l'environnement.

Émergence de la question sociale au Sud

Contrairement au discours dominant, la question de l'écologie n'est pas une problématique de bobos du Nord. Au Sud, les peuples y sont d'autant plus sensibles qu'ils sont les plus exposés à la dégradation de la nature. L'écologie du pauvre s'y est développée sur la défense de l'agriculture paysanne, de l'accès aux ressources naturelles et sur le refus de l'agro-business, des OGM et des échanges inégaux avec le Nord. Le combat contre la mondialisation et la défense de l'environnement sont intimement liés.

Chapitre 2 : Écosocialisme et planification démocratique

L'écosocialisme est une critique de l'écologie de marché (une écologie qui prétend pouvoir s'adapter au capitalisme, comme si l'expansion illimitée du capital pouvait être compatible   avec la préservation de l'environnement) et du socialisme productiviste (comme si le socialisme pouvait s'affranchir des limites de la nature).

Marx et Engels font preuve de contradiction : d'une part, le but du socialisme serait non pas de produire toujours plus de biens mais de donner du donner du temps libre pour permettre l'épanouissement personnel (et participer à la discussion démocratique), et d'autre part, le socialisme serait déterminé par l'appropriation des moyens de productions.

L'Union Soviétique a fait la démonstration que la seule collectivisation de l'appareil productif capitaliste menait à la catastrophe écologique. Il faut donc que cette appropriation soit couplée à une planification démocratique. Là aussi, Marx est ambigu, cette planification doit-elle être le fruit des seuls travailleurs ou des producteurs et des non-producteurs (étudiants, retraités, personnes au foyer) ?

Le mal que l'expérience soviétique a fait à l'idée de socialisme n'est plus à faire et l'usage qu'en font les libéraux pour discréditer la planification en est un exemple. Pourtant la conception socialiste de la planification n'est rien d'autre que la démocratisation radicale de l'économie. Pourquoi la démocratie serait-elle légitime pour la chose politique et pas pour la chose économique ?

ML explique bien comment la planification démocratique n'est pas incompatible avec l'autogestion. Le contrôle démocratique du plan doit se faire à tous les niveaux. Il n'y a évidemment pas de garantie que ce soit toujours les meilleures décisions qui soient prises. Mais laisser les prétendus experts prendre les décisions n'est pas une meilleure garantie (cf. nucléaire, chimie…) Le passage du capitalisme à l'écosocialisme est un processus historique qui exige une transformation révolutionnaire et constante de la société, de la culture et des mentalités. Il faut qu'une majorité de gens croient en un type de civilisation qui place le qualitatif avant le quantitatif.

Les questions à traiter en priorité sont :

  • l'alimentation et l'agriculture - abandon de l'agriculture productiviste et organisation de l'agriculture biologique (en petites structures paysannes, coopératives, collectives)
  • les ressources énergétiques - organiser le passage des énergies non renouvelables, (pétrole, nucléaire) aux énergies renouvelables (principalement solaires)
  • les déplacement - passer des transports individuels aux transports en commun (ce qui implique aussi parler de logement, de commerces, etc.)
  • le transport de marchandises - passer du transport routier au ferroviaire (j'ajoute que ce problème devrait aussi être en partie résolu par un type de société où l'on consomme moins quantitativement et les productions sont re-localisées)
  • arrêt de la publicité


L'écosocialisme apparait bien comme une utopie mais :

  • comment imaginer un mouvement d'émancipation sans projet alternatif radical ?
  • l'écosocialisme est une possibilité objective et non pas le résultat objectif des contradictions du capitalisme
  • c'est le seul changement capable de résoudre les problèmes de l'environnement (donc optimisme modéré dans le sens où le temps joue en notre faveur)
  • les dégâts commis par le capitalisme sont peut-être déjà irréversible et son pouvoir immense


Deuxième partie : marxisme et écosocialisme

Chapitre 3 : Progrès destructif : Marx, Engels et l'écologie

ML part d'une double constatation : les thèmes écologiques ne sont pas centraux dans la théorie marxiste et quand ils les abordent Marx et Engels sont équivoques.

Quelles sont les principales critiques que les écologistes à la pensée de Marx et Engels ?

  • Ils seraient partisans d'un progressisme conquérant où l'homme dominerait la nature. En fait ML montre que Marx considérait l'homme comme un être naturel indissociable de son environnement et le communisme comme la solution à l'antagonisme entre l'homme et la nature. Engels explique pourquoi nous devons nous méfier de prétendues victoires sur la nature.
  • Marx attribuerait l'origine de toute richesse au seul travail humain. En fait Marx n'utilise la valeur-travail que dans le cadre de la valeur d'échange dans le système capitaliste. Mais la vraie richesse ne réside pas dans la valeur d'échange mais dans la valeur d'usage, et la nature est aussi source de valeur d'usage.


Les écologistes accusent Marx de productivisme. Cette accusation est-elle fondée ?

Non, dans la mesure où Marx s'est attaqué à la logique capitaliste de production pour la production et où il considérait que le but ultime du progrès n'était pas de produire toujours plus de bien mais d'accroitre le temps libre.

Oui, quand Marx considère que la révolution n'a pour tâche que d'abolir les rapports de production qui sont devenus une entrave au développement illimité des forces de production. Il ne semble pas penser qu'il y a des limites naturelles à ce développement.

L'écologie n'apparait clairement que dans des textes concernant l'agriculture : diminution de la fertilité des sols ou effets néfastes de la déforestation. Marx fait le parallèle entre la destruction de la force de travail par l'industrie et la destruction de la force naturelle du sol par l'agriculture industrielle, entre la lutte des classes et la défense de l'environnement.

La pollution de l'environnement est mentionnée mais dans le cadre de l'insalubrité des conditions de vie des travailleurs anglais (il est clair que c'est insuffisant, mais si on se replace dans le contexte du XIXè siècle, l'environnement n'était pas aussi dégradé qu'il l'est aujourd'hui et le progressisme était prégnant).

Comment Marx et Engels définissent-ils le programme socialiste par rapport à l'environnement naturel ?

Celui-ci est carrément absent des textes où le passage au socialisme ne remet pas en cause l'ensemble du mode de production mais seulement la propriété privée. Mais Marx a eu l'intuition que des communautés pré-capitalistes avaient vécu en harmonie avec leur milieu naturel. Il semble même avoir anticipé le principe-responsabilité tel que défini par Hans Jonas : une des tâches fondamentales du socialisme serait la conservation de l'environnement naturel, avec la prise en compte des générations futures. Tel Alphonse Allais, il préconise l'abolition entre villes et campagnes.

La constatation des contradictions de Marx (entre le credo productiviste et l'intuition que le progrès peut être source de destruction irréversible de l'environnement naturel), n'exonère pas l'écologie de faire une critique marxienne de l'économie (et la logique destructrice induite par l'accumulation illimitée du capital).

Quelles transformations le système productif doit-il connaître pour devenir compatible avec la sauvegarde de la nature ?

Il faut appliquer à l'appareil productif façonné par le capitalisme le même raisonnement que Marx tenait pour l'appareil d'État façonné par la bourgeoisie. Il faut donc que l'écosocialisme brise l'appareil néolibéral et transforme profondément l'appareil capitaliste (remplacement des formes d'énergie destructrices, transformation des systèmes de transport et d'habitat). Cette rupture radicale avec la civilisation matérielle capitaliste passe donc par un nouveau paradigme de civilisation.

Chapitre 4 : La Révolution est le frein d'urgence. Actualité politico-écologique de Walter Benjamin

Benjamin dénonce dès 1928 dans Sens unique l'idée de domination de la nature, il critique l'exploitation de la nature et le rapport assassin de la civilisation capitaliste avec celle-ci. Il oppose la cupidité destructrice de la société bourgeoise aux pratiques respectueuses de la terre nourricière des cultures pré-modernes. Il considère que le temps est compté au prolétariat pour renverser le capitalisme avant qu'il ne soit trop tard. Alors que le marxisme traditionnel considère que la révolution est le résultat naturel du "progrès" économique (ou de la contradiction entre forces et rapports de production), Benjamin la conçoit comme l'interruption d'une évolution historique qui conduit à la catastrophe. Plutôt que la locomotive de l'histoire (Marx), la révolution serait plutôt le frein d'urgence du train de l'humanité.

Le pessimisme de Benjamin n'est pas fataliste mais révolutionnaire et est placé au service de l'émancipation des classes opprimées. Benjamin est inspiré par le socialisme utopique de Charles Fourier, où le travail perdra son caractère d'exploitation de l'homme sur la nature, mais sera au contraire effectué dans l'esprit du jeu et visera à l'amélioration de la nature, et par Johann Jakob Bachofen et ses recherches sur les sociétés matriarcales du passé, évocation d'un communisme primitif, sans classe, démocratique et égalitaire.

Quelques commentaires sur l'actualité politico-écologique des réflexions de Benjamin

Pour ML, Benjamin est un prophète qui attire l'attention du peuple sur la catastrophe en devenir, il n'y a pas de fatalité, mais passé un certain moment, tout sera perdu.

Aujourd'hui, le train de la civilisation capitaliste n'a fait qu'accélérer de manière vertigineuse sa course vers l'abîme : c'est la catastrophe écologique. Les décroissants font la même analyse en disant que nous allons droit dans le mur, qu'en fait, nous y sommes déjà mais nous ne nous en rendons pas compte car le mur est mou.

ML place peu d'espoir (à juste titre) dans les gouvernements. La seule lumière nous vient des mouvements sociaux réels, pour la plupart issus des communautés indigènes d'Amérique du Sud.

Troisième partie : Aspects essentiels de la théorie et de la pratique écosocialistes

Chapitre 5 : Pour une pratique écosocialiste

Le capital est une formidable machine de réification : il transforme la substance naturelle et humaine de la société en marchandises. Cet univers réifié ne laisse aucune place à l'éthique. À la base de cette incompatibilité se trouve la quantification qui ne connait que chiffres, quantités et autres mesures, et qui mène à la domination de la valeur marchande.  Les émeutes de la faim du XVIIIè siècle en Angleterre reflètent l'opposition entre économie morale de la plèbe et économie capitaliste de marché.

En continuité, le socialisme fonde la production non pas sur des critères quantitatifs de marché mais sur la satisfaction des besoins sociaux, dont le premier, pour Marx, est le temps libre (et ses corollaires : épanouissement, jeu, étude, activité citoyenne, création artistique, amour…). Mais Marx n'avait certainement pas attaché assez d'importance à un besoin social primordial : celui de pouvoir vivre dans un environnement préservé.

Écologie et socialisme partagent des valeurs sociales qualitatives, irréductibles au marché et l'écosocialisme fait la synthèse entre les deux démarches. ML en déduit quelques principes d'une éthique écosocialiste :

  • éthique sociale : le changement doit venir des acteurs sociaux, des mouvements sociaux, des organisations écologiques, des partis politiques. La bonne volonté des individus n'est pas suffisante. Il ne s'agit pas de promouvoir l'ascétisme individuel ou l'auto-limitation. La sauvegarde de l'environnement nécessite un changement de civilisation et ne peut donc se limiter à des actions individuelles.
  • éthique égalitaire : au niveau mondial évidemment puisque l'on ne peut pas généraliser le système capitaliste au reste du monde et comment pourrait-on justifier de maintenir l'inégalité entre le Nord et le Sud - et au niveau local, l'exigence de satisfaction des besoins sociaux n'a de sens que s'il y a égalité et solidarité (à chacun selon ses besoins et non pas selon ses moyens).
  • éthique démocratique : pour sortir du productivisme, de l'exploitation des travailleurs, de la destruction de l'environnement, il faut que les décisions cessent d'être prises par une oligarchie de capitalistes ou une bureaucratie (ni marché ni politburo).
  • éthique radicale : qui va à la racine du mal, qui révolutionne, qui change de civilisation et de structure de processus de production. Les demi-mesures, conférences internationales et autres taxes ne peuvent apporter la solution.
  • éthique responsable : responsabilité envers les générations futures mais aussi envers la nôtre tant le danger est grand. ML essaie de concilier le principe-responsabilité (qui sans espérance est conformisme illusoire - croyance qu'on peut être responsable sans être radical) de Hans Jonas et le principe-espérance (dont l'utopie sans responsabilité est destructrice, dans le sens où elle est illimitée) de Ernst Bloch.


Chapitre 6 : Écologie et altermondialisme

La crise écologique du réchauffement climatique s'emballe. Bien sûr elle est due à l'Homme, mais il faut être précis, l'homme du système capitaliste. Les propositions de nos dirigeants sont pathétiques (accords à minima, grandes messes internationales, protocole de Kyoto). Si ML ne doute pas de l'unique solution, l'écosocialisme, il pense qu'il faut agir maintenant et que toute bataille gagnée pour préserver un peu l'environnement retarde d'autant le cataclysme final. La nébuleuse altermondialiste, dans lequel les écologistes sont partie prenante, est au premier plan de ce mouvement : Seattle 1999, Porto Alegre 2001, forum social mondial. ML distingue trois moments dans l'altermondialisme :

  • la protestation contre l'ordre existant et ses représentants (FMI, G8, OMC, Banque Mondiale)
  • des mesures concrètes : souveraineté alimentaire, suppression de la dette, taxation des mouvements financiers
  • l'utopie d'un autre monde possible (liberté, vraie démocratie, équité, environnement)

Ces mouvements sont très hétérogènes, des ONG modérées aux anticapitalistes, des syndicalistes aux écologistes, mais il y a peu à peu une intégration de la question écologique. ML met en exergue le MST, mouvement des travailleurs sans terre du Brésil, et Via Campesina qui luttent contre le capitalisme, pour une réforme agraire, pour l'agriculture biologique, contre les multinationales…

Chapitre 7 : Écologie et publicité

Philosophie publicitaire

L'article de Robert Redeker, "L'anti-publicité ou la haine de la gaité" est l'occasion pour ML de faire la critique des pro-pubs. Il fait ainsi à R. Redeker une publicité bien peu méritée, ce prétendu philosophe (dont le moment de gloire a été un article polémique sur l'islam exaltant la supériorité de l'Occident) n'est qu'un des exemples les plus médiocres de la vacuité dans laquelle est tombée la philosophie française (cf. Bernard Henri-Lévy, Luc Ferry ou encore André Glucksmann). Le point de vue de Redeker est d'une telle bêtise (mettant en parallèle le refus des anti-pub de la marchandisation du corps avec le voile islamique, ou affirmant que, suscitant le désir, la publicité nous rend plus hommes, etc.) que chaque ligne pourrait être démontée. ML lui attribue le prix de la philosophie publicitaire, mais il me semble oublier Élisabeth Badinter (ou est-elle hors concours ?)

Le Léviathan publicitaire

La pub est le secteur d'activité qui ne connait pas la crise. En 2010, les investissements publicitaires ont représentés 500 milliards €, soit 1 % du PIB. En France les dépenses des annonceurs représentent 30 Mrd € (à comparer aux 7,5 Mrd € de budget de la culture par exemple), payés par les consommateurs. Et pour quel but si ce n'est de promouvoir le produit A par rapport au produit B ?

Noire ingratitude

La majorité des européens pensent qu'il y a trop de pub et que la pub pousse à acheter des choses dont ils n'ont pas besoin. Bien que passive et inorganisée, la majorité anti-pub est écrasante : 80 %.

Pourquoi pas des masques publicitaires ?

En poussant la logique publicitaire à l'extrême pourquoi ne loue-t-on pas aussi la surface des visages ?

La publicité ne pollue pas seulement les paysages mais aussi les mentalités. Elle est l'instrument indispensable au capital pour écouler ses marchandises. Le capitalisme ne peut pas plus se passer de publicité que la pub de capitalisme. (Quant aux pays à économie bureaucratique planifiée, ils avaient une propagande tout aussi mensongère et oppressive que la publicité.)

L'impact de la publicité sur l'environnement

  • L'utilisation mensongère d'arguments écologiques n'est pas l'aspect le plus important. La publicité non mensongère c'est comme un crocodile végétarien…
  • La publicité est un immense gaspillage de ressources : papier, éclairage, etc.
  • Le consumérisme est nourri par la publicité. Il n'est pas inné. La suppression du harcèlement publicitaire est une condition sine qua non pour que les gens puissent découvrir leurs vrais besoins et changer qualitativement leur mode d'être.


Partie 4 : Étude de cas : États-Unis et Brésil

Chapitre 8 : Une écologie de gauche aux États-Unis

L'écologie aux États-Unis ne se limite pas à Al Gore (qui ne remet absolument pas en cause le capitalisme mais met l'accent sur les solutions techniques et individuelles). Des courants beaucoup plus radicaux se sont développés :

  • économie écologique communautaire (mais le tout-local au sein du capitalisme est une illusion, le capitalisme ne peut tolérer des expériences locales que tant qu'elles ne s'opposent pas à l'accumulation de capital)
  • écologie sociale, anarcho-écologie, qui présente la hiérarchie comme cause de la crise écologique et non le capital
  • deep ecology, qui a le mérite de ne plus présenter l'Homme comme maître de la nature, mais qui peut mener à une tendance antihumaniste
  • écoféminisme, qui met en parallèle la domination des hommes sur la nature et celle sur les femmes (vues par les hommes comme instinctives, sauvages, naturelles)

L'écologie marxiste est représentée par deux revues :

  • Capitalism, nature and socialism a été fondée par James O'Connor (le père de la deuxième contradiction du capitalisme, cf. chapitre 1). Son rédacteur en chef actuel Joel Kovel est l'auteur de The enemy of nature. Après l'analyse de l'écocatastrophe vers laquelle court l'humanité, il nomme clairement le responsable : le système capitaliste et sa poursuite obsessive de la croissance. Le capitalisme ne peut pas faire face à la crise puisqu'il en est la cause. En conclusion, il donne une alternative : le capital ou notre futur en temps qu'espèce. Il défend un écosocialisme visionnaire mais compatible avec les luttes immédiates pour limiter les dégâts faits à l'environnement. Comment aboutir à cet écosocialisme entre essaimage à partir de communautés écocentriques ou lutte sociale de masse ? Comment organiser le fonctionnement, entre les cellules de base de la société et la coordination planifiée au niveau national ou mondial ? Les réponses de Kovel ne sont pas tranchées. ML trouve de grandes convergences entre Kovel et André Gorz, mais Kovel ne croit pas, lui, que la sortie du capitalisme ait déjà commencé (grâce aux nouvelles technologies de l'information ou à l'économie de l'immatériel) ni que travailleurs et capital sont structurellement complices.
  • La Monthly Review a pris sous l'essor de son rédacteur en chef, John Bellamy Foster, une orientation de plus en plus écologique. Dans Marx's ecology, il a analysé comment le capitalisme perturbe les échanges entre société humaine et environnement. Dans Ecology against capitalism, il redéfinit le progrès non plus sur des critères quantitatifs mais qualitatifs associant écologie et justice sociale. The Ecological Revolution (attention, cette révolution n'est pas la modernisation écologique technologique ou la révolution industrielle verte) est divisé en trois parties : la crise planétaire (diagnostique tout aussi sombre que celui de Kovel ou de ML lui-même), l'écologie de Marx (mise en évidence par Marx  du caractère destructeur du capitalisme sur la nature, mais indulgence quand Marx ne voit pas que les travailleurs doivent changer l'appareil de production, cf. Chapitre 3) et finalement, écologie et révolution (inspiré par Hannah Arendt et Evo Morales, toute solution à la crise écologique ne peut que passer par la sortie du capitalisme).


Chapitre 9 : Au Brésil, le combat de Chico Mendès

Contrairement à ce qu'on voudrait nous faire croire, l'écologie est d'autant moins un luxe des pays riches que ceux-ci ont exporté les formes de production les plus destructrices vers le Sud. Pollution de l'eau, destruction des forêts, industries chimiques sont autant de causes de mobilisation. Le combat de Chico Mendes et de la Coalition des Peuples de la forêt pour la défense de la forêt de l'Amazonie brésilienne est emblématique de cette écologie des pauvres (même si les intéressés sont parfois écologistes sans le savoir). Mendes a payé de sa vie sa lutte contre les grands propriétaires fonciers et l'agro-business multinational, une lutte basée sur une radicalité sociale, politique et écologique. Il voulait préserver l'Amazone pour les pauvres qui en vivent mais aussi pour tous les peuples de la planète. Il a su associer socialisme et écologie, réforme agraire et défense de l'Amazonie, luttes paysannes et luttes indigènes, questions pratiques et utopie. Il reste un exemple et une inspiration pour beaucoup.

Annexes

Manifeste écosocialiste international (septembre 2001)

Rédigé par ML et Joel Kovel

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article7891

Réseau brésilien écosocialiste (2003)

Réseau créé pendant le forum de Porto Alegre de 2003.

Déclaration écosocialiste internationale de Belém (2008)

Une citation d'Evo Morales : "Le monde souffre d'une fièvre provoquée par le changement climatique, et la maladie est le modèle capitaliste de développement."

En ouverture "écosocialisme ou barbarie" fait écho à "décroissance ou barbarie".

http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article13522

Copenhague, le 12 avril 2049 (2009)

Un peu de science-fiction (un peu faible, n'apporte rien à la démonstration de ML), ce que sera le monde 2049 si nous ne faisons pas la révolution !

Cancun 2010. Changeons le système (capitaliste), pas le climat ! La perspective écosocialiste.

Cette page a été écrite avant le sommet de Cancun dont on connait malheureusement aujourd'hui les piètres résolutions.

En conclusion :

Michael Löwy est un des apôtres les plus inspirés de l'écosocialisme. Ce petit livre (je ne parle que de son format) est à mettre entre toutes les mains. Sa lecture de Marx est particulièrement enrichissante : ML n'esquive pas le fait que Marx n'ait pas pris à sa juste valeur la problématique environnementale mais cela n'invalide pas sa critique du capitalisme.

L'écosocialisme en réconciliant écologie et socialisme redonne de l'espoir à tous ceux qui sentent que non seulement le capitalisme est dans une impasse mais que de plus il nous mène droit dans le précipice. Les arguments pour l'anticapitalisme n'ont sans doute jamais été aussi forts. Ceux qui prétendent pouvoir accompagner ou amender le capitalisme sont finalement aussi dangereux que les ultralibéraux car ils retardent le moment de la prise de conscience collective des conséquences mortifères du capitalisme. Certes, l'écosocialisme est encore d'utopie, mais quelles autres alternatives s'offrent à nous ? Le fascisme, l'autocratie, et l'on sait d'expérience que le capitalisme est prêt à toutes les compromissions pour assurer sa survie, ou/et un environnement invivable et la fin de l'humanité telle que nous la connaissons.


(*) Commentaire personnel de lecture de François.

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