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NPA - Comité du Gers
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13 février 2011

Adieu à la croissance : bien vivre dans un monde solidaire

 Commentaire de lecture (*)

 


 

Adieu à la croissance :

Bien vivre dans un monde solidaire




L’auteur : Jean Gadrey (JG) est économiste et membre du conseil scientifique d’ATTAC. J’avoue que mes études d’économie ne m’ont pas laissé que de bons souvenirs et que j’ai rarement été impressionné par les professeurs d’économie. À ce jour, j’ai toujours du mal à reconnaître un caractère scientifique à l’économie. Dans son acception moderne, elle date d’Adam Smith et donc, quand on parle d’économie, on sous-entend en fait capitalisme. Quant à ATTAC (L'association pour la taxation des transactions financières et pour l'action citoyenne), elle situe par définition son action dans le système capitaliste puisque son objet est la taxation de transactions qui n’ont de sens que dans le capitalisme. Il s’agit donc pour ATTAC de changer le système plutôt que changer de système. N’oublions pas que James Tobin dont l’idée de taxe a inspiré ATTAC était keynésien et était partisan du libre-échange. Ces réserves étant faites, ATTAC n’est pas monolithique, il y existe une forte tendance altermondialiste et la décroissance y est bien représentée.

Le titre : Adieu à la croissance : bien vivre dans un monde solidaire. JG s’attache dans cet essai à montrer que renoncer à la croissance pourrait nous mener à une société plus heureuse, apaisée. L’allusion au Buen vivir sud-américain met en avant le bien-être plutôt que le plus-avoir ; comme, dans une certaine mesure, Marx qui opposait l’être à l’avoir "Moins on est, moins on exprime sa vie – plus on a, plus on aliène sa vie".

Parution : Les petits matins / Alternatives économiques 2010

Introduction : contestation de la croissance et voies de sortie.

Alors que la croissance nous est présentée comme le remède à tous nos maux, chômage, pauvreté, faim et même crise écologique (grâce à la fumeuse croissante verte), JG développe la thèse contraire : la croissance est le problème, pas la solution. Le capitalisme sait que la foi en la croissance est la première condition à l'attachement au système. Mais des voix dissonantes se font entendre : Keynes, Stern, Le club de Rome, les décroissants bien sûr, inspirés par des auteurs tels que Illich, Gorz, Ellul et d'autres. Au niveau des institutions internationales je ne partage pas l'optimisme de JG, le combat semble inégal entre le FMI et la Banque Mondiale d'une part et le Programme des Nations Unies pour le Développement (et son Indice de Développement Humain) ; on peut être dubitatif sur l'OCDE (Comment mesurer le progrès des sociétés) ou sur la Commission Européenne (Au-delà du PIB) et encore plus sur Sarkozy (et la commission Stiglitz sur les indicateurs de croissance, et non pas sur la croissance elle-même) en totale contradiction avec la commission de l'inénarrable Attali pour libérer la croissance !

L'auteur va essayer de montrer que la fin de la croissance n'est pas une calamité, que d'autres voies sont possibles sans renoncer à un certain type de prospérité. Mais est-ce compatible avec le capitalisme ?

Première partie : la croissance n'est pas la solution, c'est le problème.

Chapitre 1 : que compte-t-on et qu'oublie-t-on ?

La croissance est définie comme la mesure de l'évolution du PIB à prix constants. D'où l'intérêt de cette section qui s'intéresse à ce fameux Produit Intérieur Brut, qui est la somme de toutes les valeurs ajoutées produites par toutes les branches de l'économie. Du fait de la difficulté de mesurer les variations qualitatives (en particulier dans les services), c'est principalement la croissance quantitative qui est mesurée. Les limites du PIB sont patentes : de nombreuses activités et produits ne sont pas pris en compte (bénévolat, ressources naturelles…), la notion de bien-être individuel ou collectif non plus (la destruction des forêts primaires pour produire des nécro-carburants crée du PIB), le PIB ne tient pas compte de la répartition des richesses. Sa croissance n'implique en rien la soutenabilité du système (écologique, sociale, économique).

En annexe une petite section sur la sexualité (ou machisme) du PIB :

  • il a été mis au point par des hommes
  • au départ il s'intéressait à la richesse et à la puissance d'une nation en guerre
  • certains travaux domestiques sont intégrés (jardinage potager, considéré comme un travail masculin) et d'autres non (la cuisine des produits du potager)


Chapitre 2 : Le "mieux-être" déconnecté du "plus-avoir".

Où JG démontre à partir de statistiques que "l'argent ne fait pas le bonheur" :

  • comparaison entre pays : la satisfaction augmente de manière concomitante avec le PIB seulement jusqu'à un certain point (la moitié du PIB français), au-dessus de ce seuil, il n'y a plus de corrélation.
  • comparaison dans le temps : on assiste à une stagnation de la satisfaction depuis les années 70 alors que le PIB a continué à augmenter.
  • espérance de vie : relative corrélation jusqu'à 18.000 $/an, pas de corrélation au-dessus.  L'espérance de vie au Costa-Rica est la même qu'aux États-Unis, pourtant le PIB par personne est quatre fois plus faible. La comparaison France / USA est aussi très parlante : depuis les années 80, les USA dépensent proportionnellement de plus en plus pour leur système de santé, et pourtant c'est en France que l'espérance de vie augmente le plus vite. En fait les pays riches dépensent de plus en plus pour une santé qui est mise à mal par les modes de vie.
  • taux de scolarité : exactement le même phénomène mais cette fois à partir de 12.000 $/an.
  • aux USA, de 1999 à 2008, le nombre de personnes souffrant de la faim est passé de 3.1 m à 6.7 m.


Chapitre 3 : la croissance contre l'environnement naturel.

La dégradation de l'environnement est étroitement corrélé à la croissance du PIB.  Les conséquences en sont beaucoup plus graves pour les pauvres. Plusieurs seuils ont été dépassés :

  • augmentation des gaz à effet de serre (GES, responsables du réchauffement climatique)
  • baisse de la biodiversité
  • azote prélevée dans l'atmosphère

D'autres seuils sont sur le point de l'être :

  • acidification des océans
  • diminution de l'ozone stratosphérique
  • surface des forêts
  • disponibilité en eau potable
  • surface des terres arables


Chapitre 4 : la croissance verte, utopie scientiste.

Gadrey démontre l'inanité de la croissance verte. 2 % de croissance par an, cela veut dire sextupler la production d'ici 2100. Impensable et intenable. Il faudrait dans le même temps réduire nos émissions de GES de 6 %/an, alors que jusqu'à présent, nous arrivons à peine à 4 % sur 10 ans (JD devrait rajouter que nous n'arrivons à cet exploit qu'en transférant la production de CO2 dans des pays tiers, Chine principalement).

Après avoir rappelé que les stocks de ressources non renouvelables (pétrole dont le pic de production est passé, mais aussi métaux, etc.) vont en diminuant, et qu'il va donc falloir décroître qu'on le veuille ou pas, l'auteur illustre son propos avec le mythe de la voiture électrique. Il montre aussi que les techniques censées nous sauver ne sont pas à la hauteur de leur prétendues performances (on nous promet toujours que cela ira mieux avec la prochaine génération (cf. nucléaire, OGM, hydrogène, etc.)

Finalement, Gadrey s'attaque très justement à la croissance immatérielle dont le paradoxe est que les pays où les services sont les plus développés sont aussi les plus gros consommateurs de biens matériels !

Chapitre 5 : l'avidité consumériste, condition de la croissance.

Gadrey fait un rappel historique : le capitalisme a d'abord produit le travailleur salarié, puis le consommateur-débouché. Celui-ci est incité à acheter toujours plus grâce à la publicité, l'innovation marginale permanente, la mode, le crédit à la consommation, etc., etc. Mais le plus grave est sans doute l'isolement social des individus qui pour exister ont besoin d'exhiber leur réussite (ce qu'ils peuvent se payer). Tout le monde veut accéder de manière illusoire au niveau supérieur, alors que celui-ci reste finalement réservé aux élites.

Quant aux pauvres, ce sont évidemment eux qui souffrent le plus de cette quête éperdue. De 2001 à 2006, les 20 % les plus pauvres ont vu leur dépenses non contraintes (c'est à dire ce qu'il reste pour faire les courses, pour les économistes acheter à manger ce n'est pas un dépense contrainte) passer de 45 % à 25 %. Ce n'est donc pas de croissance du PIB dont ils ont besoin mais bien d'une redistribution des richesses.

Deuxième partie : les richesses et l'emploi d'une société post-croissance.

Chapitre 1 : cesser la course à la productivité.

À l'opposé des économistes classiques qui parient sur une hausse infinie des gains de productivité, JG détaille les raisons objectives pour lesquelles cette analyse n'est pas tenable (curieusement il nous dit plus loin ne pas adhérer à la théorie des rendements décroissants). Outre le fait que l'épuisement des ressources naturelles va à l'encontre d'une croissance infinie, l'obligation que nous avons de remplacer des productions non soutenables par des productions soutenables et l'expansion des services de bien-être vont forcément impliquer une baisse de la productivité, même si certains secteurs vont sans doute voir une hausse restreinte (par exemple, l'agriculture bio deviendra plus productive qu'elle ne l'est actuellement mais pas au niveau de l'agriculture productiviste qu'elle va remplacer).

La hausse du PIB des trente glorieuses s'est accompagnée d'une hausse de la productivité du travail et de l'exploitation des ressources. Pour JG, il ne s'agit évidemment pas de progrès. Il faut donc utiliser d'autres critères tels que qualité, diversité, service, qualité de l'environnement, cohésion sociale, qualité de vie. Ces questions doivent être au cœur d'une démocratie renouvelée.

Les gains de productivité du travail dans les services n'a aucun sens. La relation pédagogique par exemple consiste en un travail auquel le bénéficiaire contribue. Quand on essaie d'augmenter la productivité de ce travail, on en réduit la qualité. Les syndicats devraient donc s'intéresser au partage des richesses et du travail et non pas à celui des gains de productivité.

Chapitre 2 : la richesse économique et les emplois de la durabilité.

Gadrey oppose ici croissance quantitative à croissance de la qualité et de la durabilité. J'aurais aimé que JG utilise un autre terme que "croissance" qui est tellement connoté, d'autant que ce terme est utilisé à tout va (croissance verte, croissance durable…).

À partir de l'exemple de l'agriculture, JG montre que passer de l'agriculture industrielle à l'agriculture bio généralisée est possible et créerait des emplois ; la baisse de productivité ne serait pas si grande si on tenait compte des externalités négatives des méthodes industrielles et des effets positifs de ce changement pour les populations paysannes.

Chapitre 3 : un modèle généralisable.

La même analyse peut être faite pour de nombreux secteurs. Sans augmenter la quantité, on peut augmenter la qualité intrinsèque des produits ainsi que leur qualité sociale et environnementale, la durée de vie… Par exemple, passer des hypermarchés des zones commerciales à des commerces de proximité ferait baisser la productivité du travail, mais créerait des emplois de meilleure qualité, réduirait les transports pour aller faire les courses. Même raisonnement pour l'énergie, passer aux énergies renouvelables créerait beaucoup d'emplois locaux mais encore faudrait-il que les ménages modestes soient aidés pour payer les prix plus élevés.

Sans l'assumer totalement, c'est bien un autre type de société que JG prone : une société où l'on consacrerait plus de temps aux personnes âgées, aux handicapés, où l'on repenserait notre système de santé (plus de prévention, moins d'argent dépensé pour soigner des pathologies dues aux sociétés productivistes) et notre système éducatif (on pense ici à la vision d'Ivan Illich).

Pour les secteurs qui perdraient beaucoup d'emplois, JG défend une politique proche du NPA : ce n'est pas aux salariés de faire les frais des conversions qui seront étalés sur une ou deux décennies.

Chapitre 4 : prospective de l'emploi par secteurs.

Analyse par secteur des enjeux et des conséquences pour l'emploi du passage à la modernité douce et l'économie du bien-être.

Chapitre 5 : la décroissance.

Après avoir listé trois raisons du (relatif) succès du concept de décroissance : la croissance aujourd'hui est plutôt anti-sociale, l'importance de "l'être" par rapport à "l'avoir" et la crise écologique, il critique le choix du terme, plutôt que "a-croissance" par exemple. Pour JG, les décroissants sont partisans d'une croissance négative. Je partage en partie son point de vue, bien qu'il mette de côté le rôle de mot-obus (tel que décrit par Paul Ariès par exemple) pour se débarrasser de la foi en la croissance, mais n'est-ce pas JG qui n'est pas très clair, le système détaillé dans les chapitres précédents est bien un système où les quantités produites seraient plus faibles. Il me semble que la raison principale pour laquelle il préfère ne pas employer ce mot est qu'il ne pense pas que les gens soient prêts. Il faudrait d'abord nous désintoxiquer, mais avons-nous le temps ?

Troisième partie : société soutenable, société désirable.

Chapitre 1 : pour "sauver la planète" l'égalité des droits au bien-vivre !

Faut-il opposer écologie et social ? JG pense que la priorité doit être l'égalité, mais alors que je crois que c'est une question de morale indépendante de l'écologie, il pense que c'est une question d'acceptabilité par les pauvres. Il est patent que ce sont les pauvres qui souffrent le plus de la crise environnementale, et que les mesures environnementales sont souvent beaucoup plus indolores pour les riches (qui peuvent plus facilement isoler leur maison, qui peuvent payer une éventuelle taxe carbone). Ces réductions des inégalités doivent se faire au niveau mondial, les problèmes d'accès aux droits vitaux (air, eau, terre) se faisant sentir de plus en plus.

Chapitre 2 : les plus d'une société du "bien-vivre"

Il sera plus facile de se défaire de l'addiction à la croissance si on met en avant les contreparties positives :

  • plus de biens et services publics, gratuits ou progressifs
  • plus de services aux personnes
  • plus de logements sociaux à haute qualité environnementale
  • plus de biens à longue durée de vie
  • plus d'alimentation de qualité
  • plus de gens en bonne santé
  • plus d'environnement de qualité
  • plus de démocratie


Chapitre 3 : pauvreté, bien-vivre et croissance.

Comme l'histoire le montre, la croissance mondiale n'a pas réussi à éradiquer la pauvreté ou la faim (y compris dans les pays occidentaux). En France, une distribution plus équitable des richesses permettrait d'obtenir cet objectif.

Il est clair que les pays du Sud ont besoin de croissance de certains biens matériels, mais nous savons aussi qu'il faudra atteindre ce but d'une autre manière que par le capitalisme productiviste (car la Terre ne le supporterait pas). Les chiffres montrant que la majorité des humains sont pauvres sont basés sur des calculs de PIB, ils ne reflètent pas la réalité car ce ne sont pas des concepts universels. Tous les peuples du monde n'ont pas la même notion de richesse et de bien-être que nous.

Chapitre 4 : retraites et société soutenable.

Contre l'idée que la seule solution au financement des retraites c'est la croissance, JG reprend les arguments développés pour les actifs. Plus que de toujours plus de biens matériels, les retraités ont surtout besoin que l'on :

  • privilégie les ingrédients du bien-vivre ensemble
  • fixe un revenu maximum pour tous les citoyens
  • fournisse des services collectifs gratuits
  • partage équitablement le travail pour produire des biens durables
  • maintienne le droit à la retraite à 60 ans (partage du travail entre les générations)
  • redistribue les profits
  • instaure l'égalité femmes-hommes


Quatrième partie : ampleur de la crise, ampleur de la réorientation.

La crise actuelle est financière, économique, sociale (inégalités accrues) mais, et pour la première fois, écologique (hausse du prix du pétrole et des matières premières) - je ne crois pas que ce soit la première crise écologique, même s'il est d'une ampleur nouvelle; est oubliée, par exmple, la crise écologique du Dust Bowl qui a frappé les USA pendant la grande dépression des années trente.) Cette crise multiple va perdurer et seules des réorientations structurelles de la production et de notre mode de vie peuvent permettre d'y remédier.

Chapitre 1 : peut-on s'en sortir dans le cadre d'un capitalisme réformé.

JG liste les neuf raisons qui lui font douter de la capacité du capitalisme à se réformer :

  1. Le capitalisme s'est développé sur la base de la destruction et de la privatisation de biens naturels - or la crise écologique exige de reprendre un contrôle collectif.
  2. Le capitalisme tire une partie croissante de ses profits des activités financières (aux USA, 10 % en 1980, 40 % en 2007) ; et la crise exige de collectiviser la finance.
  3. Le capitalisme s'en prend aussi de plus en plus aux biens sociaux (droit du travail, travail précaire, travail indécent).
  4. Le capitalisme s'est développé grâce à des inégalités sociales mondiales (colonialisme, néocolonialisme).
  5. Le capitalisme a besoin de susciter le désir factice de possessions.
  6. Le capitalisme résiste à toute planification nationale et mondiale (en particulier l'accès aux ressources).
  7. Le capitalisme privilégie la concurrence alors que c'est la coopération qu'il faut développer.
  8. Le capitalisme s'est développé grâce à de l'énergie et des ressources bon marché.
  9. Le capitalisme met un frein à la diffusion d'innovations dès lors qu'elle n'est pas source de profits.


On comprend bien qu'imaginer un capitalisme qui serait privé de ces neuf points est plus qu'hypothétique mais JG ne renonce pas à une illusoire réforme…

Chapitre 2 : quels acteurs pour quelles alternatives ?

Sur quels acteurs pourraient s'appuyer une telle réforme ?

  • La société civile, principale source motrice. Parallèlement à la financiarisation de l'économie des formes de contestation se sont développées, particulièrement en Amérique du Sud. Gadrey met beaucoup d'espoir en la société civile mondiale (collectifs, forums, associations, mouvements volontaires de citoyens, syndicats, ONG) et manque d'esprit critique à leur égard : on a vu le peu d'empressement des syndicats à mener la bataille des retraites, on connait le tropisme des gros syndicats agricoles vers l'industrie agroalimentaire, les ONG environnementales dépendent largement des largesses des grandes entreprises qu'elles étaient censées combattre, les associations peuvent-elles faire le poids contre les multinationales ?)
  • L'économie sociale et solidaire : associations, mutuelles, coopératives, fondations. À nouveau on ne peut qu'être dubitatif quand on voit ce que sont devenues les mutuelles en France (qui se comportent comme les assurances privées), les banques coopératives (comme le Crédit Agricole ou les Banques Populaires) ou les coopératives agricoles (comme Vivadour) et Gadrey reconnait les limites.
  • Acteurs de la gratuité, des monnaies complémentaires, etc. Bénévolat, logiciels libres, partage, entraide, monnaies locales sont des expériences intéressantes mais clairement limitées.
  • Alliés politiques et institutionnels. Ici aussi, Gadrey cherche à rassurer, mais en France quel parti est prêt à parler de décroissance, à part le NPA ? La mention du Conseil Économique, Social et Environnemental prête à sourire quand on connait son positionnement en France en faveur de toujours plus de croissance.


Chapitre 3 : dans l'immédiat, les ressources existent !

Ici, plein accord avec JG, de l'argent il y en a, et il n'a pas besoin de chercher bien loin. 80 milliards € pourraient facilement être trouvés : cadeaux fiscaux, niches fiscales, réductions de cotisations sociales offertes aux entreprises, paradis fiscaux, fraude fiscale, dépenses militaires, bouclier fiscal. Puisque ce sont les riches qui font tourner l'économie, pourquoi ne dispense-t-on pas tous les autres d'aller travailler ? Avant de redistribuer, il faudrait déjà commencer à distribuer équitablement les richesses produites.

Chapitre 4 : scénarios redoutables, scénarios désirables

Le pessimisme est nourri par la puissance politique, économique mais aussi surtout idéologique et médiatique des acteurs du capitalisme, cf. la force du marketing et du lobbying.

Le premier risque c'est l'apartheid écologique : ce sont des ghettos de riches pour les protéger des dégradations de l'environnement, comme il existe déjà des lieux fermés pour les protéger des problèmes de sécurité. Ce sont aussi les guerres ou conflits pour assurer l'approvisionnement en ressources de plus en plus rares (eau, énergie, etc.)

On ne peut être que d'accord sur la nécessité pour les citoyens de reprendre le contrôle de la finance. La crise écologique implique anticipation et planification : deux concepts que la finance ne peut accepter, car antinomiques avec la spéculation et la croissance infinie.

En conclusion Gadrey veut rester optimiste et croire en des raisons d'espérer. Il cite Susan George " Nous avons le nombre (et donc les bulletins de vote), l'imagination, les idées, …, ce qui nous manque, c'est l'unité et l'organisation de l'adversaire et la conscience de notre puissance potentielle."

Ce qui nous est proposé là n'est pas loin de la "révolution par les urnes" prônée par Jean-Luc Mélenchon. Je crois fondamentalement que c'est une chimère. Le capitalisme et ses suppôts ne sont pas nos adversaires mais bien nos ennemis. Ce sont eux les responsables de la misère et de la faim dans le monde, des guerres et de la destruction de notre environnement. Le danger est maintenant existentiel non seulement pour nous mais pour les générations à venir. Alors bien sûr les initiatives individuelles ne sont pas inutiles, en particulier sur le plan idéologique, quand elles permettent de montrer que d'autres solutions sont possibles. Mais un changement global de société ne se fera pas dans l'isoloir. Le capitalisme a montré sa capacité à surmonter toutes les crises, son emprise en est toujours sortie renforcée. L'opposition réforme - révolution n'a jamais été autant d'actualité. Certes Gadrey ne défend pas l'idée de révolution, pourtant il met bien en avant toutes les raisons qui font qu'à son avis, le capitalisme n'est pas réformable.

En ce sens, ce livre peut être démobilisateur puisqu'il nous dit que le capitalisme n'acceptera pas les changements indispensables à l'humanité mais qu'il faut quand même essayer car les autres systèmes possibles sont hypothétiques et n'ont pas été expérimentés. En fait d'autres systèmes, seul l'écosocialisme devrait répondre aux vœux de Gadrey : social ET écologie, qualité de l'environnement vue comme un bien commun, nécessité d'un partage équitable des richesses aussi bien au sein de chaque pays mais aussi internationalement, prédominance de l'être sur l'avoir. Bien sûr, à grande échelle c'est encore une utopie, mais de nombreux peuples dits non civilisés pratiquaient écologie et équité.

Quels sont les choix qui nous sont offerts ? Continuer ainsi n'est pas une option, ne serait-ce qu'à cause de la crise écologique et de la raréfaction des ressources, sauf à envisager la fin de l'humanité (mais je ne fais pas partie de ceux qui pensent que la Terre se porterait mieux sans nous ; nous voulons la sauver pour pouvoir y habiter). La solution sera donc verte. Mais sera-t-elle aussi brune ? C'est bien le risque que nous courrons, nous savons historiquement vers où se tourne le capitalisme quand il est en danger. Ou sera-t-elle aussi rouge, comme le propose l'écosocialisme ? Bien qu'il ne mentionne pas le terme, on ne voit pas quelle autre route Gadrey aurait à proposer.


(*) Commentaire personnel de lecture de François.

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